lundi 2 septembre 2013

Lundi 2 septembre : Sportif et rafraichissant

http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/08/27/sport-nautique_3467188_3242.html


avec une vidéo pour bien se rendre compte : http://www.youtube.com/watch?v=gs0e-8E0q4E

Les chevaliers de l'eau
Le Monde.fr | 27.08.2013 à 17h08 • Mis à jour le 27.08.2013 à 18h23 |

Face à face, deux barques se croisent. A bord de chacune d'elles, à l'aide d'une perche, un combattant tente de pousser à l'eau son vis-à-vis. Bas-relief de l'Egypte antique ? Fresque du Moyen-Age ? Ni l'un ni l'autre. On pouvait en réalité assister à ce genre de duel, pas plus tard que le week-end passé, à l'occasion des championnats de France 2013 de joute nautique (en méthode lyonnaise et givordine). La compétition a réuni 64 jouteurs sur les bords de l'Oise, dans le département du même nom, à Longueil-Annel. Et ce fut du sport.

"Ça fait travailler les jambes, le buste, les épaules, il faut avoir le pied marin et être solide sur ses appuis", liste l'ancien champion de France Eddy Lanzas, 41 ans, présent au milieu de 3 000 spectateurs. "Avec des lances de plusieurs mètres (de 4,6 à 6 mètres), ce n'est pas de la rigolade pour celui qui se fait éperonner", ajoute le président de la Fédération française de joute et de sauvetage nautique (FFJSN)... qui n'est autre que Louis Nicollin, en poste depuis 1977, plus connu du grand public pour ses dérapages verbaux et pour le club de football qu'il a façonné à Montpellier à partir de 1974.

Si ce jeu folklorique et 100% amateur a pu survivre jusqu'à aujourd'hui, c'est précisément grâce à son "processus de sportivisation", "entre spectacle et rituel, entre performance et jeu, entre compétition et loisir," comme l'explique l'ethnologue Jérôme Pruneau, dans le Dictionnaire culturel du sport (Armand Colin, 2010). Autrefois destinée à des pratiques guerrières, puis à des fêtes auxquelles participaient bateliers et pêcheurs, la joute nautique a commencé à glisser "vers une modalité sportive dans les années 1950".

6 000 LICENCIÉS AU FIL DE L'EAU

"La joute nautique a été reconnue en France comme un sport en 1960, la Fédération française a été créée en 1964 et agréée par le ministère des Sports en 1971, bien que des traces écrites attestent que cette activité existe en France dès le XIIème siècle", récapitule avec érudition Patrick Bertonèche, ancien membre de la Marine nationale et auteur de l'ouvrage Joutes nautiques en France, des origines à nos jours (Le Chasse-Marée/Armen, 1998).

La joute nautique n'en reste pas moins un sport très local. Plusieurs méthodes subsistent, avec des règles différentes suivant les endroits : la Givordaise-Lyonnaise, dont la finale des championnats de France a eu lieu à Longueil-Annel, la Languedocienne, la Parisienne, l'Alsacienne et la Provençale. Secrétaire générale de la FFJSN, Anne-Lise Perret explique : "Un peu comme pour l'escrime avec l'épée, le fleuret et le sabre, nous avons différentes variantes. Même si on souhaite aller au-delà du régionalisme et toucher des endroits qui n'ont pas encore cette tradition, la joute a toujours un très fort ancrage régional."

Et de poursuivre : "Alors que le monde se modernise de plus en plus, à l'heure d'Internet, c'est un peu comme si nos 6 000 licenciés voulaient savoir d'où ils viennent, retrouver leurs racines." Aujourd'hui, même si les pratiquants ne sont plus forcément en grande majorité des bateliers ou des pêcheurs, comme c'était le cas au temps jadis, ils demeurent toujours "très attachés", selon elle, aux fleuves et cours d'eau près desquels ils habitent, qu'il s'agisse de la Seine, de l'Oise, du Rhin, ou encore de la Méditerranée.

LE GRAND RENDEZ-VOUS DE LA SAINT-LOUIS

Ce que confirme Eddy Lanzas, qui a grandi dans la région rhodanienne et gagne sa vie comme responsable de chantier : "J'ai été élevé à Givors près d'un basin de joute, à proximité du Rhône, alors j'ai commencé ce sport dès l'âge de 8-9 ans. Aujourd'hui, je joute encore, et mes enfants aussi. La joute nautique se pratique de début mai à fin septembre. Sinon, le reste de l'année, comme c'est un sport de force, beaucoup de jouteurs jouent au rugby." La joute nautique repose donc, encore aujourd'hui, sur une forte fibre patrimoniale.

Tous les ans, fin août, avec fanfare et tenues blanches de circonstance, les joutes organisées durant la fête de la Saint-Louis attire ainsi en moins d'une semaine une dizaine de milliers de curieux à Sète. Hommage à Louis Nicollin ? Les origines de ces festivités remontent en fait à l'été 1666, date de l'inauguration du port sétois. Avec au moins sept sociétés de joute nautique, cette cité héraultaise fait toujours figure de référence nationale. Voire internationale : hormis la France, peu de pays possède de tels chevaliers aquatiques, propulsés sur des barques par des rameurs.

"J'ai des contacts avec l'Allemagne, Angleterre, et l'Italie, et des sociétés de joute strasbourgeoises ont déjà participé à des joutes en Bavière, par exemple", assure Anne-Lise Perret. Pour autant, il n'existe pas encore de grandes compétitions, ni même de structures internationales. "On en parlera à notre prochaine assemblée générale", promet "Loulou" Nicollin. Originaire de Saint-Fons, en périphérie de Lyon, ce personnage haut en couleurs a pris les commandes de la Fédération française de joute nautique et secourisme pour succéder à son père Marcel, décédé, qui avait par ailleurs fondé l'entreprise familiale de collecte de déchets qu'il détient encore à l'heure actuelle.

LES NICOLLIN, UNE HISTOIRE FAMILIALE

"Les gens de la joute ont voulu que je le remplace, et vu que je les aime bien, j'ai accepté. Bon, je n'y suis pas souvent, juste pour les championnats de France ou quelques réunions, point barre. C'est un sport sain où il n'y a pas d'histoires d'argent", apprécie la 424e fortune de France, classée ainsi en 2013 par l'hebdomadaire Challenges. Déjà impliqué dans le football, le handball, le basket, le rugby et même la pétanque, le grand manitou du sport montpelliérain poursuit: "La joute reçoit quand même une subvention de l'Etat, comme le tambourin ou la pelote basque, dirons-nous. Et attention, on a quand même quelqu'un pour le secrétariat, on n'est pas des pin'tchous complets."

Sa principale marotte a beau être le football, "chez nous, Louis Nicollin, c'est vraiment Dieu", s'exclame quant à elle Anne-Lise Perret, qui rappelle la chose suivante : "Il nous aide à hauteur de plusieurs milliers d'euros, ce qui représente environ la moitié de la subvention ministérielle [entre 20 000 et 30 000 euros]". Plutôt appréciable quand on sait que le budget de la FFJSN se borne à 130 000 euros annuels. Et heureusement qu'il n'y a pas de loyer à payer pour le siège de l'organisation : le QG se trouve en effet sur les terres de Louis Nicollin, encore lui, dans l'une de ses propriétés à quelques encablures de Lyon.

Adrien Pécout

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